Revenu Solidarité Jeunes : mieux que rien, moins que le nécessaire

Ce jeudi 11 mars, le président de la Métropole de Lyon Bruno Bernard présentait à la presse le Revenu Solidarité Jeunes (RSJ) qui sera prochainement proposé au vote du conseil métropolitain ; cette question ne peut que nous intéresser comme militants écosocialistes, partisans des solidarités collectives contre la précarité générée par le capitalisme. Comme M. Bernard le dit lui-même, ce dispositif est censé combler une « lacune » de l’État en permettant de bénéficier d’un revenu minimal aux jeunes entre 18 et 24 ans résidant sur la métropole de Lyon, qui ne sont pas éligibles au Revenu de Solidarité Active (RSA).

Qu’il s’agisse là d’une carence grave de l’État, cela ne fait aucun doute : 19 % des 15-24 ans en France sont actuellement au chômage selon l’OCDE, or, passé dix-huit ans, on a le droit d’avoir les moyens de vivre par soi-même plutôt que de dépendre de sa famille ; qui plus est, que les pouvoirs publics se déchargent des solidarités sur la famille, c’est laisser agir les inégalités. Chacun sait que des familles peinent à trouver les moyens d’aider leurs enfants, faute de revenus suffisants. Refuser le RSA aux jeunes, c’est enfoncer dans la précarité une partie d’entre eux et faire peser une charge sur leurs familles, situation aliénante s’il en est. C’est d’autant plus grave dans le contexte actuel, où beaucoup d’emplois dont peuvent bénéficier les jeunes sont indisponibles du fait du confinement et où la chape de plomb dont le couvre-feu a écrasé la vie sociale et culturelle pèse sur la santé mentale de tout le monde.

Les arguments de M. Le Maire, Ministre de l’économie, pour s’opposer à l’ouverture du RSA aux jeunes ne sont pas entendables. Soutenir qu’il ne faut pas le faire parce que « à 18 ans, ce qu’on veut, c’est un travail. On veut une rémunération de son travail, on ne veut pas une allocation » est aberrant dans la mesure où c’est la responsabilité du gouvernement de faire en sorte que notre économie offre des emplois en nombre suffisants aux jeunes -et aux autres ! Pour mémoire, le droit au travail a une valeur constitutionnelle, proclamé dans le préambule de la Constitution de 1946, qui est reconnu comme faisant partie du bloc de constitutionnalité actuel. Le Conseil constitutionnel considère certes ce droit au travail comme une obligation de moyens et non de résultat, mais le fait est que le gouvernement actuel ne fait rien de sérieux contre le chômage des jeunes. Bien au contraire, il refuse la retraite à soixante ans, la réduction du temps de travail, un investissement public conséquent dans des secteurs de l’économie pourtant utiles… Si les gouvernements successifs faillent à leur devoir de faire en sorte que les jeunes puissent trouver du travail, alors la moindre des choses est qu’ils leur donnent les moyens de vivre : mais non, même cela, c’est apparemment trop demander pour M. Le Maire, issu d’une classe où l’on ne connaît pas les affres de la précarité et de l’exclusion sociale !

Dans ce contexte, ce Revenu Solidarité Jeune proposé à la Métropole de Lyon vaut donc mieux que rien, il sert à pallier une défaillance de l’État. C’est d’autant plus indispensable que selon les dernières données disponibles, pas moins de 22,5 % des moins de trente ans vivant dans la Métropole de Lyon ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté, plus d’un sur cinq !

Toutefois, à regarder le dispositif présenté par Bruno Bernard, on est bien obligé de constater ceci : c’est insuffisant, et de loin. Il s’agirait d’une aide de 400€ par mois pour les jeunes sans aucune ressource et ne bénéficiant d’aucune autre aide, ou de 300€ pour ceux et celles ayant des ressources inférieures à 400€ par mois : or, c’est l’évidence même, on ne vit pas avec 400€ par mois -il suffit de regarder les loyers sur la Métropole de Lyon pour s’en convaincre ! C’est encore largement inférieur au niveau du RSA, qui est lui-même largement inférieur au seuil de pauvreté, comme le sont les bourses dont bénéficient les étudiants ou l’Allocation Adulte Handicapé ; notre candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a proposé de hausser ces aides pour que plus aucun revenu ne soit inférieur au seuil de pauvreté, un objectif qui est à la fois atteignable au niveau budgétaire, et salutaire pour tous ceux et celles que la pauvreté accable et exclut aujourd’hui.

Si nous ne pouvons que soutenir la mise en place d’un RSJ par la Métropole de Lyon, nous sommes donc forcés de constater ceci : il ne suffit pas à combler la lacune qu’est l’absence de RSA pour les jeunes, puisqu’il est largement inférieur à celui-ci, et il suffit encore moins à mettre les jeunes à l’abri de la pauvreté. Pour nous, il faudrait au moins que ce RSJ puisse être cumulé avec d’autres aides pour pouvoir prendre en compte la situation dramatique de beaucoup d’étudiants, et nous considérons que le montant devrait être aligné sur le RSA. Il est vrai que les collectivités territoriales comme la Métropole de Lyon ont des obligations d’équilibre budgétaire qui ne s’imposent pas à l’État. Il sera donc nécessaire à la suite du retour des concertations sur ce dispositif expérimental de RSJ, que l’Etat prenne à sa charge 100% du dispositif de RSA, et de RSJ , comme un outil de solidarité nationale et de protéger l’égalité budgétaire entre les territoires et leur accès aux citoyens ; c’est ce que propose le programme de la France Insoumise L’Avenir en commun. Quoi qu’il en soit, il nous faut construire une alternative bien plus ambitieuse pour, non seulement mettre à l’abri les jeunes et tout le reste de la société de la pauvreté, mais aussi permettre à chacun et chacune d’avoir un travail qui lui permette de vivre et de s’accomplir, réalisant ainsi l’objectif historique du mouvement ouvrier qu’est le droit au travail ; c’est tout le système économique actuel qui doit être remis en cause pour cela.